Citius, Altius, Fortius
L'histoire chaotique des logos est jonchée de loupés plus ou moins drolatiques et de râteaux créatifs, mais peu ont suscité autant de buzz et d'animosité que le logo des J.O. de Londres 2012.
Mais au fait, est-il vraiment raté ?
Ses nombreux détracteurs le qualifient d'escroquerie du siècle (il a coûté près de 500.000 €), une plaisanterie digne d'un dessin d'enfant, une véritable insulte aux graffitis... Loin de faire l'unanimité, si ce n'est contre lui, le logo des Jeux Olympiques de Londres 2012 a décroché la médaille d'or de la controverse.
« Nous espérons que le monde entier ne le considère pas comme le pinacle du design britannique », se lamente un créatif du cru. Mais pourquoi tant de haine ? De mémoire d'athlètes, jamais un logo officiel des Jeux olympiques n'avait déchaîné un tel torrent de boue. Même la typographie fait débat :« Elle est inélégante et dévalue la ville de Londres, s'offusquent certains habitants. On dirait l'écriture d'un gosse », s'en affligent d'autres.
Une révolution !
Dévoilé le 4 juin 2007, cette création, de l'agence anglaise Wolff Olins a donc remplacé celui de Londres, ville candidate, créé en novembre 2003. Un logo tout à fait « normal », que tout le monde aura oublié dans 5 ans, s'est donc vu substitué par une identité plus moderne et plus à même d'incarner le dynamisme et l'ouverture d'esprit de la capitale. Si les J.O. de Sydney, en 2000, se voulaient les Jeux les plus écologiques jamais organisés, ceux de Londres ont pour ambition d'être les
« Jeux de tout le monde », avec les jeunes pour cible prioritaire. Ce que confirme Jacques Rogge, le président du Comité International Olympique : « il s'agit d'un logo véritablement innovant qui capture visuellement l'essence des Jeux de Londres, qui consiste à inspirer les jeunes du monde entier par le sport et les valeurs olympiques. » Un public peu sensible aux logos traditionnels que l'agence avait tenté de séduire.
Las, dès que le grand public en a pris connaissance, un véritable tsunami de protestations s'est levé en guise d'accueil. Une pétition en ligne exigeant son retrait a même recueilli en deux jours plus de 26 000 signatures. Même son de cloche chez certains professionnels : Jonathan Gabay, un expert en identité visuelle, a dépeint le marché des jeunes comme le plus sophistiqué de tous, pour lui il fallait bien plus qu'une typo « un peu tordue » pour faire branché. « Cela insulte l'intelligence des Londoniens », s'étranglait-il. Pour répondre aux nombreuses critiques, un porte-parole du comité organisateur a déclaré que le logo évoluerait au cours du temps, ce qui n'a pas été le cas bien entendu. Les détournements n'ont pas tardé à voir le jour sur la toile. Certains n'hésitant pas à reprendre la typographie originale pour former le mot « Shit »... Pour couronner le tout, l'association Charity Epilepsy Action a reporté des cas d'épilepsie provoqués par les animations faisant la promotion du logo sur le site internet des organisateurs. Les Britanniques étant fans de paris de toutes sortes, le bookmaker Graham Hill proposait une cote de 10/1 en faveur de la suppression du logo avant fin 2007...
Une infinité de possibles
C'est face à des agences et des character design de renommée mondiale que les Britanniques d'Iris ont remporté la lourde responsabilité de concevoir les mascottes des Jeux Olympiques et Paralympiques de Londres. C'est ainsi que sont nés Wenlock et Mandeville, des créatures multidimensionnelles au design personnalisable, propre à notre ère numérique. « Notre brief était de concevoir des mascottes à même de plaire aux jeunes et de les encourager à pratiquer le sport », explique Grant Hunter, un des directeurs créatifs d'Iris. L'autre idée était de créer une infinité de mascottes en laissant la possibilité de les personnaliser à l’infini, à la manière des art toys. « Pourquoi avoir une mascotte quand on peut en avoir des millions ?s'interroge Grant. Ce ne sont pas des mascottes, ce sont VOS mascottes ».
Délirium très mince
Bien que reconnaissable, cette identité manque de lisibilité. Le problème d'un logo cryptique, ou un peu avant-gardiste, c'est qu'il est forcément exposé à toutes les exégèses. En l'absence de grille de lecture, tout le monde y va de son délire. Véritable test de Rorschach, l'identité visuelle a provoqué les interprétations les plus farfelues. Certains pervers polymorphes, ayant des penchants incestueux, et probablement traumatisés par les Simpson, y ont vu Lisa s'adonner à une pratique douteuse avec son frère Bart... Mais on peut trouver encore plus perturbés.
Prenez les ayatollahs de la République islamique d'Iran par exemple : ces derniers sont parvenus à percer le mystère du logo en déchiffrant son message caché en février 2011. Encore plus fort que la machine Enigma pendant la Seconde Guerre mondiale, il leur a fallu en effet pas moins de quatre années pour décrypter en son sein un des symboles du sionisme. En y regardant d'un peu plus près, et si possible après avoir visionné un spectacle de Dieudonné, on peut en effet y lire le mot : ZION, soit Sion en français. Or, dans la Bible hébraïque, la fille de Sion désigne Jérusalem et sa population, et donc par extension le peuple juif. Selon Téhéran : « la con-
-ception est rudimentaire et niaise. Le logo montre le mot ZION écrit en couleur rose - une couleur appréciée par les adeptes de la déviance sexuelle occidentale ». L'identité est en effet déclinée en quatre couleurs : rose, bleu, vert et orange, afin de refléter le cosmopolitisme de Londres. De très officielles menaces de boycott ont même été formulées « si aucune mesure n'est prise à l'encontre du logo ». Peut-on rêver d'un meilleur marketing viral pour une agence ?
L'avocat du Diable
Pour l’agence Wolff Olins, il s'agit d'une incitation à essayer de nouvelles choses, à tester ses limites et à se découvrir de nouveaux talents. Selon ses créateurs : « L'emblème représente 2012, un symbole immédiatement reconnaissable et une forme universelle. » Il a également pour avantage d'être immédiatement associé aux JO de Londres, sans équivoque. Un tour de force étant donné que le logo ne comporte aucune référence graphique au sport, ni à la ville d'accueil. La même démarche a été appliquée à la typographie. La police de caractère 2012bold, c'est son nom, a été spécialement conçue pour l'occasion. « Son style manuscrit est très contemporain », explique Simon Murray, un designer graphique. « Cela nous change de l'habituelle Johnston, la typo des cartes du métro et qui est généralement associée à Londres. » « L'identité démontre que les Jeux
Malgré la polémique, de nombreux produits dérivés ont vu le jour arborant l’identité visuelle exécrée. Ainsi, l'horloger Omega, un des sponsors officiels, n'a pas hésité à reprendre à son compte le logo. Par ailleurs le graphisme est facilement reproductible sur tous les médias, y compris textiles.
L'Iran, qui a cru voir dans le logo le mot Zion, un terme sioniste, a déposé une plainte auprès du CIO.
dépassent ces notions, indique-t-on du côté de Wolff Olins. Les Jeux s'adressent à tout le monde, quels que soient l'âge, la culture et la langue. » Pour la première fois, les Jeux Olympiques et Paralympiques partagent la même marque, utilisant chacun une variante du logo. « C'est la marque la plus cohérente qui soit », affirme l'agence. Par ailleurs, les organisateurs promettent que les nouvelles technologies vont permettre de rapprocher le public du cœur de l'action. « Notre logo préfigure cette expérience des médias numériques » enchérissent ses designers.
Sebastian Coe, le président du comité organisateur, l'admet : « Ce n'est pas du goût de tout le monde, mais Londres n'est pas, une ville terne. Il n'était pas question d'avoir une identité visuelle sans âme. » D'autres voix se sont élevées pour prendre ta défense du logo, mal-aimé, comme Michael Czerwinski, du Design Museum de Londres : « Ce logo est un travail de génie, mais cela m'a pris deux ans pour m'en rendre compte. » Ou encore Michael Hamilton, un consultant en branding : « Je l'adore. C'est fun, plein d'énergie et vraiment très différent. C'est la promesse de Jeux hors du commun. De plus, il fonctionne aussi bien animé qu'en statique. » Cette création graphique possède une autre qualité qu'on ne peut lui nier, celle de l'originalité. Combien de logos de cette grande fête sportive et universelle sont-ils restés dans les mémoires ? Qui se souvient encore de celui des Jeux Olympiques d'hiver à Albertville en 1992 ? Tout le monde se rappelle en revanche de la très contestée cérémonie d'ouverture de Philippe Decouflé...
La torche en aluminium doré comporte 8000 trous, représentant les 8000 porteurs.
Elle mesure 800 mm et pèse 800 grammes.
Les logos des Jeux Olympiques et Paralympiques avec une variation de couleur.
Le logo de droite est destiné au secteur de l'éducation.
Les designers se plaignent souvent du conformisme ambiant. Il est étonnant que l'on reproche au logo son approche radicale... En comparaison, l’identité retenue pour la candidature de Londres parait bien terne !
La police de caractère 2012bold se veut contemporaine afin de plaire au plus grand nombre, et surtout aux jeunes.
La presse populaire unanime... contre l’identité visuelle. Certains n’hésitent pas à la détourner pour exprimer leur mécontentement. Au-dessus, le logo est déstructuré pour former le mot « shit »…
Les gens ne lisent plus les logos, mais s'attardent plus sur leurs formes.
C'est la reconnaissance qui importe ici.
RIO 2016, L'AUTRE POLÉMIQUE
Choisi parmi 140 créations, le logo du studio brésilien Tatil fait lui aussi débat...
Inspiré du pain de sucre
Présenté le 31 décembre 2011 sur la plage de Copacabana, le logo des JO de Rio en 2016 s'inspire du fameux pain de sucre situé dans la baie de Guanabara, et qui domine la mégalopole.
Vision positive
L'idée est de véhiculer une vision positive et optimiste du pays en faisant référence à son multi culturalisme… Toutes les races, âges et religions sont ainsi représentés.
Main dans la main
Sur le logo, trois personnages se tiennent par la main. Ils sont aux couleurs du drapeau brésilien : le jaune du soleil, le bleu de la mer et le vert de la forêt.
Ressemblance troublante
L'agence Tatil n'a pas tardé à se faire accuser de plagiat du fait d'une trop grande ressemblance de ce logo avec celui de la fondation américaine Telluride. D'autres lui reprochent son manque d'originalité...
